La redécouverte des champignons enthéogènes
Extrait de Pionniers des Champignons
par John Allen
Fig. 5. R. Gordon Wasson. 1ère Conférénce Internationale sur les Champignons Hallucinogèness. 1976. Photo: Linda Deer |
L'intérêt de R. Gordon Wasson pour les champignons débuta pendant sa lune de miel dans les montagnes Catskill. Wasson et sa femme d'origine russe, une pédiatre, Valentina Pavlovna Wasson, faisaient une randonnée un jour sur un chemin forestier quand soudain elle dénicha une touffe de champignons qu'elle reconnût comme ceux qu'elle avait l'habitude de ramasser pour le dîner dans sa Russie natale. Transportée de joie, Valentina en ramassa autant qu'elle pouvait en porter et ce soir-là elle les prépara et les servit pour leur dîner. Bien entendu, R. Gordon Wasson refusa de manger ne serait-ce qu'un seul de ces "affreuses têtes de crapauds" ramassées par sa nouvelle femme et lui dit qu'il ne voulait pas se réveiller veuf, pensant que tous les champignons étaient vénéneux. Pour cette raison Wasson Gordon commenca à se demander pourquoi les Slaves adoraient les champignons tandis que certains Européens à l'Ouest les détestaient. Et ainsi débuta l'ère de l'ethnomycologie.
Wasson, qui travaillait comme journaliste, s'intéressa bientôt au monde bancaire et en 1928, commenca à travailler comme banquier d'investissement pour le Fond de Garantie Morgan. Au début des années 1950, Wasson était devenu vice-président de J.P. Morgan & Compagnie.
A cette époque, Wasson recut une lettre importante de Eunice V. Pike, une missionaire des Traducteurs Bibliques Wycliff. Pike vivait depuis de nombreuses années chez les indiens Mazatèques dans l'état de Oaxaca au sud du Mexique. Elle écrivit à Wasson qu'il existait des homme-médecine et des femmes-médecine parmi les indiens, qui employaient des champignons dans leurs cérémonies curatives. Pike ajoutait à Wasson que l'utilisation de ces champignons était probablement plus ancienne que la conquête (voir Pike & Cowan 1959, Pike 1960).
Wasson recut également une lettre de l'historien et chercheur Grec Robert Graves. Graves informait Wasson de 2 articles scientifiques écrits par l'ethnobotaniste de Harvard Richard Evans Schultes (voir Davis 1997), concernant un mystérieux champignon connu des anciens Aztèques comme Teonanácatl. Pour autant, les articles de Schutltes concernant l'utilisation de ces champignons par les Aztèques au temps de la conquête espagnole n'avaient suscité que peu d'intérêt dans la communauté scientifique (Schultes 1939, 1940). En fait, la question de savoir si oui ou non les champignons existaient avait été soulevée.
Wasson recut une autre lettre de son imprimeur italien, qui comprenait un croquis d'une pierre-champignon sculptée trouvée au Guatemala et vielle de plus de 2.000 ans. Le dessin représentait la sculpture d'un champignon sortant de la tête d'un homme. Elle avait été découverte quelque part dans la jungle profonde Guatémaltèque.
Ces premières révélations encourageantes entretinrent considérablement l'intérêt de Wasson, qui prit alors contact avec Shcultes (Comm. Pers. 1988) : "Un jour j'étais chez moi en Arizona. Wasson me téléphona pour avoir des références sur le Mexique." Schultes alors nous dit encore : "Je l'ai envoyé vers Reko qui l'a beaucoup aidé et qui lui présenta Weitlaner. Ainsi Reko a quand même contribué à l'étude des champignons." (Blas Reko, comme Schultes, avait collecté des spécimens des soit-disant champignons sacrés pour un herbarium et Roberto Weitlaner fut le premier occidental a observé une cérémonie employant les champignons sacrés vers la fin des années 1930.
En 1953, Wasson et sa femme voyagèrent au Mexique. Après être arrivés dans la région Mazatèque et s'être renseignés sur les champignons sacrés, il réussirent finalement à participer a une velada nocturne (nom donné à la cérémonie par les chamanes ou curranderos Mazatèques qui les officient et les président). Cette première cérémonie fût réalisée sous la conduite d'un chamane Mazatèque appelé Don Aurelio Carreras. Wasson y observa les procédures et prit des notes de ce qu'il en voyait, mais il ne fût pas autorisé à participer ni à partager les champignons. Il fût très enthousiasmé par l'évènement, sans aucun regret pour n'avoir pas pu participer pleinement.
Wasson conduisit 2 autres excursions exploratoires au Mexique pendant les 2 années suivantes. Lors de son 3e voyage à Oaxaca et son second à Huautla de Jiménez, Wasson et son ami photographe Allan Richardson se retrouvèrent dans le petit village de Huautla de Jiménez, haut perché sur la Sierra Mazatèque de Oaxaca. Pendant la nuit du 23-30 Juin 1955, Wasson et Richardson devinrent les premiers étrangers à partager les champignons sacrés.
Après que Wasson et Richardson aient trouvé un logement, ils partirent chacun de leur côté, demandant à chaque personne qu'ils rencontraient de l'aide pour leur quête des champignons. Après plusieurs heures de questions vaines auprès des indigènes, Wasson se décida à demander à un fonctionnaire local de discuter avec lui des secrets des champignons. Il se rendit au municipio (la mairie), tout en sachant que beaucoup de fonctionnaires étaient malhonnêtes et corrompus, particulièrement quand ils traitaient avec des étrangers. Mais Wasson pensait ne pas avoir grand chose à perdre en approchant le fonctionnaire.
Wasson trouva un homme travaillant dans le bureau du maire, qui était le sindico de la ville. Le sindico est le numéro deux dans un municipio, et comme son patron était de sortie, il était en charge des affaires courantes. Il s'appelait Cayetano Garcia Mendoza. Après avoir échangé les salutations et présentations d'usage avec Garcia, Wasson entreprit une conversation sur des sujets généraux tels que le temps, les prix des récoltes, les problèmes d'assainissement des eaux, les prix du café, etc, toujours de sa manière humble et polie. Wasson se retrouva vite penché par dessus le bureau, soufflant à Cayetano le nom Mazatèque des champignons. Cayetano parut déconcerté et étonné. Comment un étranger pouvait-il connaître un secret si bien gardé que seul un petit nombre de Mazatèques mentionnerait aussi facilement ? Mais en réponse à la question de Wasson, Cayetano lui dit qu'il n'y avait "rien de plus facile", et il demanda alors à Wasson de "venir dans ma modeste demeure après 4 heures, quand j'en aurai terminé de ma journée, et je serais très heureux de vous aider avec cette requête peu commune."
Plus tard dans l'après-midi, Wasson et son ami Richardson se rendirent à la maison où vivaient Cayetano et ses deux frères cadets qui attendaient les étrangers. Emilio et Genero les conduisirent sur la route jusqu'à un endroit à moins de 200 mètres de la maison de Cayetano, où ils trouvèrent un grand nombre de champignons qui poussaient sur de la paille de canne à sucre. Pendant que Richardson commencait à photographier les champignons, Wasson en ramassa plusieurs et les mit doucement dans une boîte en carton qu'il avait apporté pour l'occasion.
Pendant ce temps, pendant que Wasson ramassait les champignons, Cayetano se rendit à la maison de son amie, Doña María Sabina, une sabia (sage, ou femme sage). Cayetano la trouva seule dans sa maison et lui raconta les évènements du jour. Il lui dit que (Estrada, 1976) "des hommes blonds ont voyagé de loin en quête d'une sabia", et il lui dit tranquillement que l'étranger blond lui avait parlé d'une manière calme et posée, lui posant des questions de facon discrète, et qu'il cherchait 'nti-xi-tjo'. Bien que Cayetano eût commencé par les questions qu'on lui avait posé, il confirma son sentiment de la demande de l'étranger, expliquant à Doña María que l'étranger blond "savait de quoi il parlait". Cayetano pensait que Wasson était réellement sincère dans sa demande d'apprendre les secrets de 'nti-xi-tjo'. Apparemment, la discrétion de Wasson envers Cayetano l'avait convaincu de la sincérité de sa quête de connaissance, et de parler avec Doña María pour lui transmettre le message des étrangers blonds venus d'une terre lointaine.
Cayetano expliqua alors à Doña María ce qu'il avait dit aux visiteurs : "Je connais une vraie femme sage". Cayetano lui demanda s'il pouvait amener les étrangers dans sa maison afin qu'elle puisse leur enseigner la véritable connaissance des champignons. Doña María répondit : "Si vous le voulez, je ne peux pas dire non".
Des années plus tard, María Sabina dit qu'elle s'était sentie obligée d'accepter la demande de Wasson à cause du statut officiel de Cayetano, et elle avait supposé que la visite de cayetano dans son modeste logement ce jour d'été torride faisait partie de ses attributions officielles. Des années plus tard, Wasson se demanda si María Sabina aurati partagé sa connaissance des champignons avec lui si Cayetano n'était pas intervenu comme il l'avait fait. En 1971, Wasson lut un entretien de María Sabina dans un magazine européen, L'Europe publié à Milan. Il y était écrit que lorsque Cayetano lui avait demandé d'aider les étrangers, elle le fît en pensant qu'elle n'avait pas le choix. Mais elle déclara également qu'au moment où on lui avait demandé de rencontrer Wasson et Richardson, elle "aurait du dire non".
Vers la fin de l'après-midi, Wasson, richardson et leurs amis Emilio et Genero avaient terminé de ramasser les champignons et retournèrent chez Cayetano au même moment que lui rentrait de chez María Sabina. Il faut noter que quelques jours plus tard, Wasson offrit de payer Cayetano pour son excellente hospitalité et les services qu'il leur avait rendu, mais Cayetano et sa femme refusèrent. Ils dirent à Wasson qu'ils avaient été heureux de pouvoir les aider et qu'ils ne "l'avaient pas fait pour l'argent".
Cayetano demanda à Emilio de les accompagner chez María Sabina pour leur servir d'interprète. Une fois sur place, Wasson ouvrit sa boîte en carton et montra les champignons qu'il venait de ramasser. Doña María cria de joie à la vue des honguitos qu'elle aimait tant et adorait. Elle les prit dans ses petites mains, les caressa en leur parlant dans sa propre langue. Des dispositions furent vite prises pour une velada plus tard dans la soirée.
Le soir du 29 Juin 1955, Wasson et Richardson devinrent les premiers blancs à consommer les champignons sacrés des anciens Mazatèques, au cours d'une cérémonie dirigée par la curandera Doña María Sabina, qui réalisa pour eux une velada ou veillée chez son ami Cayetano Garcia.
Wasson écrivit plus tard : "nous avons tous mangé nos champignons face au mur devant lequel se trouvait le petit autel. Nous les avons mangé en silence, à part le père de Cayetano, Don Emilio, qui consultait les champignons concernant son avant-bras gauche infecté. Il secouait la tête violemment en avalant chaque champignon, et lâchait un son sec, claquant, comme en reconnaissance de leur puissance divine. J'étais assis dans un coin de la pièce, à gauche de l'autel. La Señora me demanda de changer de place car le mot descendrait ici..."
"Je rejoignis Allan juste derrière la Señora, et il nous fallut environ une demi-heure pour manger nos 6 paires de champignons. A 11 heures nous avions terminé nos portions respectives, la Señora se signant avec la dernière bouchée... A environ 11h20, Allan se pencha de sa chaise et me souffla qu'il avait un peu froid. On l'entoura d'une couverture. Un peu plus tard il se pencha encore et me dit 'Gordon, je commence à voir des choses', sur quoi je lui répondit de facon rassurante que moi aussi".
"Les motifs se transformèrent en structures architecturales, avec des colonnades et des coursives, des patios d'une splendeur majestueuse, la texture faite de couleurs brillantes --or, onyx et ébène-- le tout arrangé de facon harmonieuse et ingénieuse, dans une magnificence la plus riche qui s'étendait au delà de l'horizon. Ces visions architecturales semblaient orientales, bien qu'à chaque fois je me faisais remarquer qu'elle ne pouvaient être rattachées à aucun pays oriental particulier... "
"A un moment sous la lune blafarde, le bouquet sur la table prit les dimensions et la forme d'un convoi impérial, d'un char de triomphe, tiré par des créatures zoologiques concevables uniquement dans une mythologie imaginaire, portant une femme habillée d'une majestueuse splendeur. Les visions se succédaient sans fin, chacune prenant corps dans les précédentes. Nous avions la sensation que les murs de notre petite maison avaient disparus, que nos âmes libres flottaient dans l'empyrée, frappées par la brise divine, possédées d'une mobilité divine qui nous transporterait n'importe où sur les ailes d'une pensée. C'est seulement quand par un acte d'effort conscient je touchais le mur de la maison de Cayetano que j'étais ramenés dans l'espace de la pièce où nous étions tous, et c'est ce contact avec la réalité qui semblait précipitait en moi la nausée."
L'expérience que fit Wasson pendant sa première velada le convaincu qu'il ne le referait jamais, mais quelques soirs plus tard il demande à Doña María si elle pouvait diriger une autre cérémonie afin qu'il puisse en enregistrer le déroulement. Cette fois Allan Richardson ne partagea pas les champignons sacrés afin de pouvoir mieux photographier la session.
Doña María appelait Wasson "Basson" et elle autorisa la prise des photos par Richardson à la condition que Wasson ne la profanerait pas en montrant à d'autres personnes les photos prises pendant la cérémonie. Elle demanda à Wasson qu'il ne les montre qu'à ses plus proches et plus vieux amis et que personne d'autre ne les voie. Finalement, leur publication dans le magazine Life rendit mondialement célèbre María Sabina. Bien que cet évènement ramena des milliers de gens à Oaxaca en quête de ces champignons enthéogènes, María Sabina n'exprima jamais aucune rancoeur pour cela envers Wasson.
La nuit du 5 Juillet 1955, la femme de Wasson, Valentina, et leur fille de 19 ans Masha (dans son livre de 1980, Le Champignon Merveilleux : Mycolatrie en Mésoamérique, Wasson écrivit par erreur que Masha n'avait alors que 13 ans), devinrent les premiers occidentaux à consommer des champignons enthéogènes en dehors d'un contexte rituel. Ce sera le premier incident reporté impliquant un usage non traditionnel de champignons psychoactifs (Wasson, 1958).
6 semaines plus tard, de retour à New York, Wasson se senti obligé de prendre une nouvelle fois les champignons mexicains, pour s'assurer que les spécimens secs qu'il avait ramené avec lui étaient encore actifs. Ce fut la troisième expérience de Wasson avec les champignons sacrés.
Pendant les nombreuses excursions de Wasson en Mésoamérique, toujours à la recherche de nouvelles informations sur l'utilisation traditionnelle des champignons enthéogènes, il essaya de lier les pierres-champignons énigmatiques d'Amérique Centrale à l'utilisation rituelle des champignons par les peuples Maya, à une utilisation cultuelle des sociétés Mayas primitives.
Wasson croyait qu'il existait un lien entre les effigies de champignons et l'utilisation de champignons enthéogènes en mésoamérique. Lors d'une excursion dans le village de Juxtlahuaca au Mexique, Wasson prit en photo une jeune fille mexicaine en train de moudre des champignons sur un matate ou un pilon en pierre. Le mano qu'elle utilisait pour moudre les champignons et sa position corporelle, étaient similaires `la posture et la forme représentée sur une des pierres-champignons découverte au Guatemala (Furst, 1986).
Des études réalisées par Villacorta & Villacorta (1927), Johnson (1938), Schultes (1939, 1940), Singer (1949), Wasson & Wasson (1957), Inconnu (1961), de Borhegy (1962), Lowy (1971, 1972), Ott (1976), Mayer (1977), Weil (1977), Wasson (1980), et d'autres qui suivirent les Wassons mirent en lumière d'anciennes fresques, peintures, illustrations, et pièces en or représentant les champignons sacrés (Schultes et Bright 1979). Les pierres champignons et d'autres réalisations artistiques, dont des motifs de champignons peints et sculptés, ont donné de nombreuses preuves du rôle important des champignons enthéogènes dans le développement de la spiritualité dans les cultures précolombiennes.
On peut concevoir que 3.000 ans en arrière en Mésoamérique, une forme sophistiquée de chamanisme florissait et prospérait, tournant autour de l'usage rituel des champignons enthéogènes et d'autres intoxicants à visions, représentant un aspect majeur du développement des cultures locales.
Wasson conduisit un total de 10 voyages sur le terrain dans les terres sauvages de Mésoamérique entre 1953 et 1962, collectant des champignons et des informations sur leur utilisation dans les rituels des différentes cultures qui les utilisaient. Wasson chercha la collaboration de nombreux chercheurs éminents. Ce qui l'assistèrent dans ses recherchent furent notamment : Roger Heim, Gastón Guzmán, Roberto Weitlaner et sa fille Irmagard Weitlaner Johnson, Guy Stresser-Peán, C. Cook de Leonard, W.S. Miller, Searle Hoogshagen, B. Upton et Albert Hofmann qui était directeur des Produits Naturels de Sandoz à Bâle, et avait découvert le LSD avant d'isoler la psilocybine et la psilocyne.
Fig. 6. R. Gordon Wasson at home, Danbury, Conn. |
"Nerveux et paranoïaque" sont les mots qui décrivent correctement ce "chimiste à courte-vue" de la CIA, James Moore (Lee & Shlain, 1985; Marks, 1979; Stevens, 1987) qui infiltra en secret une des petites expéditions de Wasson dans la Sierra Mazatèque en 1956.
Un scientifique du projet ARTICHOKE de la CIA fit le voyage au Mexique en quête des soi-disant "buissons idiots" et d'autres plantes qui pouvaient déranger l'esprit humain, chose utile politiquement pour contrôler les esprits ennemis en temps de guerre. De grandes quantités d'Ipomée furent envoyées pour analyse aux laboratoires de la CIA, qui recherchaient des substances utiles pour arracher des confessions, retrouver des objets perdus ou volés, et peut-être pour même prédire le futur. Les champignons visionnaires y présentaient un intérêt particulier. Selon les documents publics de la CIA, James Moore était un expert dans la synthèse chimique. En 1956, Moore s'invita dans une des expéditions de Wasson pour le Mexique. Il offrit à Wasson une subvention de 2.000 dollars provenant d'un fond-écran de la CIA, le Fond Geschikter pour la Recherche Médicale. En 1955, Wasson avait décliné de travailler directement avec la CIA.
Moore n'apprécia pas son unique expérience avec les champignons, peut-être à cause du fait qu'il n'était pas celui qu'il semblait être. Peut-être sous l'influence des champignons il se vit tel qu'il était vraiment. Selon Moore, "J'ai été pris d'un froid terrible, on étaient presque morts de faim, et ca me grattait de partout. Il y avait tous ces chants en dialecte. Alors ils ont fait circuler les champignons, et nous les avons tous mastiqués. J'ai bien senti les effets hallucinogènes bien que 'désorienté' soie un mot plus juste pour décrire ma réaction.
Moore ramassa des spécimens pour ses recherches sous l'égide de la CIA, et retourna au Maryland ou il essaya d'isoler pour la CIA les principes actifs à la fois des champignons et des graines d'ipomée. Malheureusement pour lui, il lui fut impossible de trouver les composants actifs des champignons, et heureusement pour le monde car sinon il auraient probablement été utilisés par la CIA comme des outils de guerre mentale.
En dépit des clowneries dupes de la CIA qui comme on pouvait le prévoir ne menèrent à rien, Wasson et ses collaborateurs documentèrent l'utilisation traditionnelle des champignons sacrés à Oaxaca et dans d'autres états du Mexique. Wasson et Singer se rendirent compte que plusieurs variétés et/ou espèces de champignons étaient encore employées rituellement par environ une douzaine de tribus indiennes appartenant à des groupes linguistiques variés. Certains des indiens mexicains ne parlaient pas espagnol et n'avaient pas de langue écrite. Wasson et ses collaborateurs notèrent que les groupes indigènes suivants utilisaient les champignons sacrés : Mazatèques, Chinantèques, Chatinos, Zapotèques, Mixes (Mijes), Mixtèques (Wasson & Wasson, 1958). Des recherches ultérieures par Guzmán (Guzmán et al, 1992) montrent maintenant que les Nahuas, les Otomies et peut-être les Tarascanes de l'état du Michoacan utilisent également les champignons sacrés dans leurs cérémonies.
Chaque tribu indienne de Oaxaca préfère ses espèces de champignons, et les rituels correspondants varient d'un village à un autre. Même dans une même tribu tous les chamanes n'utilisent pas exactement les mêmes champignons, suivant les espèces qui sont disponibles à un moment donné. Certaines espèces sont parfois utilisées pour des tâches particulières, lors d'un rituel de soin spécifique (Wasson & Wasson, 1957).
Les découvertes des Wassons sur les champignons visionnaires du Mexique
devinrent de notoriété publique en 1957, avec la publication d'un livre en
deux volumes, Champignons, Russie et Histoire, imprimé seulement à 512
exemplaires et jamais réédité. Certaines universités en possèdent une copie
dans leur collections de livres rares.
En même temps que la publication de ce livre, sortirent deux articles
populaires dans Life Magazine (Wasson 1957 a) et This Week Magazine
(Wasson 1957 b). Ces articles de Gordon Wasson et de sa femme, capturèrent le
début de l'ère Psychédélique. Les collectionneurs de la Wassonmania ont
payé jusqu'à 50 dollars pour une copie comme neuve de ce numéro de Life
magazine.
Un troisième présentation au monde se fit en 1958, quand Gordon Wasson et
Roger Heim, avec Albert Hofmann et d'autres collaborateurs, publièrent Les
Champignons Hallucinogènes du Mexique [ndt : en francais], complété d'un
second volume 10 ans plus tard, Nouvelles Investigations sur les Champignons
Hallucinogènes [ndt : en francais], tous deux écrits en francais, dont
certaines parties furent initialement publiées dans Comptes Rendus de
l'Académie Scientifique et dans la Revue de Mycologie. R. Gordon
Wasson est mort le 23 Décembre 1986, laissant un fils et une fille adoptifs.
ISBN #158-214-099-5. 88 images en couleur, 381 fichiers, 197 pages et 12.8 Mbs sur CD-ROM. $19.99 plus $5.99 d'envoi